Mar 07, 2022 Ces

Ce 1er mars 2022 s’est tenu de 16h à 18h, un Comité Exécutif extraordinaire en mode virtuel de la CES, auquel ont participé des représentants des syndicats ukrainiens mais aussi géorgiens, pour faire le point de la situation après l’invasion de l’Ukraine par la Russie et pour adopter un projet de Résolution précisant ce qu’allait entreprendre la CES à l’occasion de cette guerre. Cette Résolution sera complétée lors du prochain Comité Exécutif de la CES les 16 et 17 mars, au vu de la situation à ces dates-là. Cette réunion a connu une grande affluence de participation (187 participants) et a été forte en émotions avec le témoignage en direct de Kiev, des responsables syndicaux ukrainiens.
A l’ouverture de la réunion, le Secrétaire Général de la CES, Luca VISENTINI, rappelle que la Confédération syndicale a déjà pris position avec le concours du PERC contre cette guerre et que la manifestation qu’elle avait organisée jeudi dernier sur les salaires s’est transformée en une manifestation de soutien à l’Ukraine. L’objectif de la réunion de ce jour est de se mettre d’accord pour lancer des actions ensemble, avec une série de propositions qui sont faites pour soutenir le processus de paix mais aussi pour apporter un soutien financier, notamment aux réfugiés ukrainiens sur le sol européen.
Mais la parole est tout d’abord donnée aux représentants et responsables syndicaux ukrainiens pour livrer leur analyse et leurs témoignages particulièrement poignants. Tout d’abord, ils relèvent que la situation est particulièrement complexe que ce soit au niveau local ou à grande échelle. La Russie est en train de détruire le peuple ukrainien, car celui-ci pense différemment. La propagande russe dit que l’Ukraine est responsable de ces attaques parce qu’elle veut devenir membre de l’OTAN, considéré comme un véritable défi lancé au peuple russe. Mais, les Ukrainiens sont tués car ils veulent rejoindre l’Union européenne. Elle est attaquée parce qu’elle a choisi le mode de développement européen et parce que ses habitants ont fait le choix de la démocratie, en élisant largement, le Président actuel en lieu et place du précédent ouvertement pro-soviétique. Ils souhaitent que la CES apporte son appui à la déclaration du Président ukrainien, Volodymir SELENSKY, dans sa demande d’adhésion rapide à l’Union européenne. Être reconnu comme candidat à l’Union Européenne, serait, déjà, une formidable récompense. L’on assiste, disent-ils, à un véritable génocide, car les militaires russes bombardent les hôpitaux, les quartiers résidentiels. Les enfants au lieu d’aller à l’école apprennent à fabriquer des cocktails molotov. Voilà 6 jours que la population vit ce cauchemar. Dans la partie Nord du pays, il y a un déferlement de militaires russes, là où ils concentrent leurs forces. Les mouvements de populations ne vont pas que vers l’extérieur du pays, mais aussi vers l’Ouest. Des abris sont ouverts avec des lits et des repas pour accueillir les femmes et les enfants en bas âge, les personnes âgées et les militaires blessés. Il y a un déficit énorme de nourriture et de médicaments, car les Russes infiltrés ont entrepris des actions de sabotages pour bloquer les zones d’approvisionnement. Il faudrait créer un « couloir humanitaire », qui n’existe pas malgré la propagande russe. L’aide humanitaire est extrêmement importante. Les syndicats ukrainiens, assurent-ils, continuent de travailler et ils ont mis en place un groupe de communications et ils ont créé un fonds de solidarité, mais ça ne suffit pas pour mener à bien les activités souhaitées et nécessaires. L’Ukraine a des centrales nucléaires et la menace pèse sur le site de Tchernobyl – occupée par les soldats russes – et ses 20.000 m3 de déchets nucléaires entreposés ainsi que sur les 4 centrales nucléaires en activité dont la plus grande d’Europe. Déjà, le sol contaminé de Tchernobyl a été remué par des véhicules militaires, provoquant une hausse de la radioactivité dans la région. Et le risque d’un accident nucléaire n’est pas à exclure, disent-ils, si les infrastructures sont frappées, même accidentellement. Il en va de même des barrages hydrauliques qui, s’ils étaient aussi touchés, inonderaient des populations entières. Il faudrait pouvoir inspecter, les gazoducs, ce qui n’est pas possible pendant ou à cause des attaques aériennes. Il y a aussi les cyberattaques, notamment des systèmes bancaires dont il faut aussi se défendre. Un demi-million d’Ukrainiens, surtout mais pas seulement, même si la majorité des hommes veulent rester sur place pour défendre leur pays, fuit leur pays. Il faut que la législation européenne soit amendée pour que ces personnes soient reconnues comme « demandeurs d’asile » et pas seulement comme « réfugiés ». Les responsables syndicaux indiquent également que la population a besoin d’armes pour défendre leur pays, leur foyer, mais elle a aussi besoin de munitions. Ce peuple est un peuple paisible, mais il est contraint à se battre. La situation ne fait que s’empirer. Ils demandent aussi à l’OIT, de retirer à la Russie son statut de « membre ». L’Ukraine, pays de 42 millions d’habitants est véritablement encerclée par les troupes russes : la ligne de front s’élargit chaque jour un peu plus, tandis que la ligne de défense se rétrécit chaque jour davantage car, ils n’ont pas de bons équipements. Il est pourtant urgent de bloquer l’ambition expansionniste de la Russie, car après l’invasion de l’Ukraine, que le Président russe croyait réaliser en deux jours, ce sera au tour de la Moldavie, de la Géorgie, voire d’autres pays voisins. Il ne s’agit pas d’une simple opération militaire, mais d’une guerre. Il ne faut surtout pas perdre de temps et « faire plus parler de nous » indiquent-ils. Ils demandent aussi d’intervenir, pour que l’espace aérien de l’Ukraine soit fermé afin que les avions russes ne bombardent plus leur pays. Enfin, ils lancent un appel aux syndicats russes membres du Conseil Régional Paneuropéen (PERC) pour dénoncer la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, sinon disent-ils, ils n’ont plus leur place dans le mouvement syndical international. Cet appel sera relayé par de nombreux membres du Comité Exécutif de la CES, notamment à travers le « chat » dans la discussion qui a suivi.
Le Secrétaire Général de la CES remercie les différents intervenants et présente le projet de Résolution soumis à une première discussion des membres du Comité mais qui sera complété lors du prochain Comité des 16 et 17 mars prochains. Parmi les mesures proposées, il appelle notamment :
– A faire pression sur les Institutions de l’UE et les gouvernements nationaux, ainsi que sur le Conseil de l’Europe, afin de soutenir les demandes de la CES et de maintenir une pression élevée.
– A soutenir toutes les actions nécessaires contre le gouvernement et les dirigeants russes, y compris toutes les sanctions nécessaires et les initiatives de boycott des produits, biens et services russes.
– A plaider pour l’activation rapide de la directive européenne sur la protection temporaire.
– A contribuer à la mise en place de couloirs humanitaires en faveur des réfugiés, dans les pays de la région et dans tous les autres pays de l’UE.
– A reconnaître la situation spécifique des femmes et des enfants dans les zones de conflit, y compris les risques de violence fondée sur le sexe, en particulier de violence sexuelle.
– A activer des actions de mobilisation au niveau européen et national, y compris une journée d’action pour l’Ukraine, qui sera coordonnée au niveau mondial.
– A fournir une assistance financière et humanitaire à la population ukrainienne par le biais des syndicats ukrainiens – à cet égard, des contributions spéciales au Fonds de solidarité de la CSI et par le biais d’une plate-forme publique ont été lancées conjointement avec la CES.
– A rediriger les fonds des projets de l’UE à la disposition de la CES (UnionMigrantNet) pour aider les réfugiés ukrainiens aux frontières de l’UE et sur le territoire de l’UE.
– A mobiliser les réserves de la CES jusqu’à 500.000 EUR, également afin d’obtenir des fonds de l’UE, pour l’aide humanitaire à fournir à la population ukrainienne, en coopération avec les syndicats ukrainiens.
– A mettre en place un « groupe de travail sur la paix » de la CES pour coordonner ces actions et un « observatoire de la paix » de la CES pour échanger des informations avec et entre les affiliés…
Le Secrétaire Général précise toutefois que, comme il s’agit d’une Résolution syndicale, n’y ont pas été incluses la demande d’aide militaire, la référence à l’OTAN et la fermeture de l’espace aérien ukrainien, ce qui équivaudrait, a-t-il dit, à une entrée en guerre de l’OTAN
Ceci étant précisé, le Président de la CES, Laurent Berger, ouvre le débat.
La grande majorité des intervenants exprime sa solidarité aux syndicalistes et au peuple ukrainien et demande aux syndicats russes de se positionner clairement par rapport à cette guerre. Les propositions du Secrétaire Général sont largement soutenues. Les membres du Comité appartenant aux pays voisins, expliquent les initiatives qu’ils ont prises ou qui ont été prises par leur Gouvernement. Ainsi la Pologne a accueilli à ce jour plus de 300.000 réfugiés. Et, les syndicats se sont mis d’accord avec les employeurs, dans le cadre du Dialogue Social, pour offrir des emplois aux réfugiés et notamment aux femmes. Des places dans les jardins d’enfants ont été ouvertes. Des collectes d’argent ont été organisées en faveur des réfugiés, comme aussi en Roumanie. En Moldavie, un ancien sanatorium a été réouvert pour pouvoir accueillir les réfugiés et les 24 syndicats moldaves ont apporté un soutien financier. En République tchèque, le Gouvernement, parmi les initiatives qu’il a prises, a ouvert des places dans les écoles pour accueillir les enfants ukrainiens. Le représentant estonien a dit que son pays était prêt à accueillir 100.000 réfugiés, ce qui représente 10% de sa population. Pour la Hongrie et parlant pour son syndicat SZEF, le Président Lajos, a indiqué que son pays avait déjà accueilli 73.000 réfugiés. Il a été demandé que les Ukrainiens qui arrivent obtiennent immédiatement le statut de réfugiés et une collecte de fonds a débuté, qui a récolté, déjà 200.000 euros. Et à la frontière, il y a eu plusieurs structures d’accueil qui ont été mises en place et même une petite école a été ouverte. Parallèlement à ces interventions orales de très nombreuses organisations se sont exprimées via le « chat », dont le Secrétaire Général de la FERPA, pour condamner notamment l’invasion russe et exprimer leur soutien au peuple ukrainien et aux syndicalistes de ce pays.
De son côté, le Secrétaire Général de la CES a conclu la réunion, en faisant tout d’abord remarquer qu’il y avait beaucoup de problèmes géopolitiques qui entraient en ligne de compte. Que faire également avec les pays qui sont potentiellement visés par la Russie ? Les faire adhérer tout de suite à l’UE ? Fermer leur espace aérien ? Apporter une aide militaire ? Il précise que le financement de la CES ira directement à nos membres pour aider les réfugiés. Il est en contact avec la Commission pour voir comment assurer une meilleure protection aux membres. Pour le prochaine Exécutif une nouvelle Résolution plus large et notamment plus politique sera préparée et débattue au regard notamment de l’évolution de la situation.
Enfin le Président passe au vote de la présente Résolution qui est adoptée à l’unanimité, moins deux abstentions (CGTP-IN et ELA).